
Oyez, oyez, braves gens! Micron-Jupiler va s’adresser à vous lundi à 20h02, et non à 20h00 comme c’est la tradition. Et savez-vous pourquoi ? Pour qu’à 20h00, vous puissiez applaudir le personnel soignant qui, il n’y a pas si longtemps, se faisait matraquer par les milices républicaines de Jupiler lui-même. C’est-y pas gentil tout ça ? Quelle audace ! Il faut que ça se sache, et la communication pestilentielle insiste beaucoup sur ce fait si dérisoire, enrobé de bonne conscience à deux balles et de guimauve.
L’essence de la politique actuelle
Dans mon livre Relève-toi, j’écris : « Aujourd’hui, ainsi que nous l’avons constaté dans les chapitres précédents, les décisions essentielles qui concernent notre vie et l’avenir de nos enfants et petits-enfants ne se prennent plus chez nous. La politique économique et sociale de la France est décidée à Bruxelles, la politique monétaire de la France est décidée à Francfort, la politique extérieure de la France est décidée à Washington. Notre classe politique n’a donc plus rien à faire d’autre que du théâtre. » J’avais écrit cela avant le mouvement des Gilets Jaunes. Nous pourrions aujourd’hui modifier légèrement la dernière phrase et écrire : « Notre classe politique n’a donc plus rien à faire d’autre que du théâtre et de la répression sauvage et violente. »
L’action de nos politiciens se limite ainsi à communiquer sur des décisions qui sont prises par la Commission européenne et qu’ils doivent appliquer, comme la contre-réforme des retraites par exemple.
Boum, patatras
Communiquer, faire du théâtre, communiquer. Depuis le temps qu’ils ne font que cela, ils devraient au moins savoir le faire. Et bien, à la lumière de la communication pestilentielle autour de la crise du Covid-19, on s’aperçoit que même pas. Ils ne savent même pas le faire correctement.
Cela paraît incroyable. Mais à y réfléchir de plus près, cela se comprend. Car communiquer à propos d’une décision que l’on a prise, d’une vraie décision issue d’une vraie réflexion, qui va avoir de vrais effets, est relativement aisé. Il suffit d’expliquer la logique qui a amené à prendre cette décision, à la manière d’un professeur qui explique une loi de la physique, un théorème de mathématique ou un texte de philosophie car il connaît son sujet.
Mais communiquer sur une décision que l’on n’a pas prise et dont on n’est que le factotum, c’est déjà un peu plus difficile. d’ailleurs, il n’y a qu’à voir la façon dont le gouvernement s’est pris les pieds dans le tapis à propos de la contre-réforme des retraites.
Mais là, c’est encore pire. Il s’agit de communiquer à propos de vraies décisions que l’on doit prendre (et on n’y est pas habitué) qui vont avoir de vrais effets (en l’occurrence, à la fin on comptera les morts), avec les outils méthodologiques de la communication en tant qu’essence de l’action politicienne. Vous me suivez ? Alors voyons un peu cela de près : les décisions et la communication.
Mince, il faut prendre des vraies décisions
Dur, dur. D’abord la panique. Ils avaient l’habitude que tout soit décidé à Bruxelles, et là : « Allô ?! Bruxelles ? Pas de masque, pas de test, que dois-je faire ? – Nous sommes absents pour le moment, veuillez laisser votre message après le bip sonore. » Zut! Ensuite, au pied du mur, il faut bien décider. Et là, il faut bien le dire, c’est n’importe quoi. Des décisions à l’emporte pièce, sans la moindre cohérence ni même la moindre once de bons sens. Je passe sur l’historique complet que l’on peut lire dans cet article, qui va de la petite grippe sans importance limitée à l’Asie à la situation de guerre – confinement total ou presque dans l’urgence. Je vais relever quelques exemples emblématiques :
Un promeneur solitaire en pleine campagne ou sur une plage déserte risque une amende, voire de la prison en cas de récidive, tandis qu’on maintient des transports en commun en région parisienne.
Un professeur annonce avoir un traitement capable de faire baisser la charge virale s’il est pris tôt, mais qui est inefficace quand la maladie est aiguë. La décision est d’autoriser la prise de ce traitement en cas de symptômes aigus. Je n’entre pas dans le débat scientifique en cours sur la méthode et les statistiques ; je ne m’intéresse qu’à la prise de décision politique relativement à une information donnée.
La mairie de Paris interdit le jogging en ville jusqu’à 19h00 afin de limiter la propagation du virus. Moyennant quoi, tous les joggeurs courent au même moment, à 19h00, et augmentent la densité de population et la transmission du virus.
On pourrait multiplier les exemples, additionner la succession d’incohérences. Ce qui frappe, c’est l’absence de logique élémentaire. On ne leur demande pourtant pas d’avoir inventé l’eau tiède en poudre, juste de faire preuve d’un minimum de bon sens. Bêtes à bouffer du foin, comme disait ma grand-mère.
Rendez-nous Si-bête
Évidemment, communiquer à partir d’une succession de décisions idiotes est très difficile. Cela dit, pour des gens qui n’ont pas le sens de la réalité ni celui du ridicule, c’est un peu moins douloureux. Au fil du temps, la communication pestilentielle est devenue soporifique comme un confinement ; on égraine le nombre de morts.
Personnellement, je regrette que l’on nous ait enlevé Si-bête. N’ayant pas de télévision, je visionnait ses interventions sur internet. Un petit plaisir quotidien, comme un sucre d’orge. Les communiqués de Si-bête, c’était un peu comme la minute de Monsieur Cyclopède, de Pierre Desproges, pour ceux qui ont connu. Un humour potache complètement décalé. La différence étant que l’humour de Pierre Desproges était volontaire et ciselé tandis que Si-bête nous faisait rire à l’insu de son plein gré. Mais qu’ importe, n’allons pas faire la fine bouche. Allez, un petit effort ! En ces temps soporifiques de confinement, donnez-nous notre rire quotidien, rendez-nous Si-bête.
Régis Chamagne