
Démantèlement du code du travail pour un retour des salariés au rang d’esclaves, abandon de la société Alstom à l’Allemagne, baisse des retraites par augmentation de la CSG, cadeaux fiscaux aux plus riches, etc. Le flot de mauvaises nouvelles qui s’abat actuellement sur la France et le peuple français ne doit cependant pas nous désespérer totalement. Des mouvements de fond pourraient renverser la perspective.
Petit retour en arrière
La dernière élection présidentielle en France a semblé donner raison à ceux qui pensent que les détenteurs du pouvoir financier et médiatique ont une fois de plus réussi à manipuler les masses et à imposer leur candidat. En fait, pour en arriver là, le « système » a tiré sa dernière cartouche, comme je l’explique dans cet article. Le résultat de l’élection est en fait un résultat en trompe-l’œil.
En effet, une enquête IPSOS publiée par le ministère de l’intérieur le lendemain du second tour à 10h00 montre que sur les 54,43 millions de Français en âge de voter, ont voté :
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3,03 % pour la personnalité de Macron et 6,11 % pour le programme de Macron, soient en tout 9,14 % pour Macron ;
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12,54 % pour le renouvellement politique que représente Macron. Ces gens-là se sont certainement aperçu depuis qu’ils ont été bernés ;
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16,36 % contre Le Pen ;
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Viennent ensuite les votes pour Le Pen et contre Macron, puis un fort taux d’abstention et de vote blanc ou nul.
En fait, la légitimité arithmétique du majordome de Bruxelles masque une réalité extrêmement fragile. Du reste, le résultat des élections sénatoriales récentes l’a révélé. Il faut toute l’énergie de la propagande pour donner encore l’illusion. Sous la mousse, la potion amère du président-Jupiler se répand.
Les révolutions ne sont pas toujours violentes
Étienne de la Boëtie l’écrit si bien : « De sa servitude sous la tyrannie, le peuple porte l’entière responsabilité, puisque sans broncher, sans mot dire, il accepte passivement d’obéir et de courber sous le joug. Pour se libérer du tyran, il n’est nul besoin de le tuer, il suffit de ne plus l’écouter, il n’est alors plus rien et il s’écroule. »
C’est du reste peut-être ce qui est à l’œuvre dans la société française, et plus généralement dans les pays occidentaux soumis aux politiques ultralibérales régressives des dernières décennies. À la manière d’un organisme biologique qui, rongé par un cancer, déploierait une stratégie visant à cesser d’alimenter ce cancer, le peuple français, et d’autres, a entamé un mouvement d’évitement qui fait un peu penser à une scène du film de Coline Serreau « La Belle Verte ».
Le pas de côté
Le 12/01/2017, le journal Les Échos tire une sonnette d’alarme : « Officiellement, la consommation tient en France malgré les séquelles de la crise financière de 2008. Mais les premiers chiffres que « Les Échos » se sont procurés sur les ventes de produits de grande consommation (PGC) en 2016, montrent que la consommation de masse entre dans une spirale négative. La « déconsommation » sonne à la porte des supers et hypers. »
Le bio et les produits locaux sont en vogue. On en revient à manger des produits de saison et à abandonner les aliments issus de semences hybrides ou de fermes industrielles. Ce mouvement de déconsommation touche également le secteur des cosmétiques : « Le marché de l’hygiène-beauté est confronté à un enjeu de volume avec des acheteurs moins fréquents. Ses produits sont de moins en moins prioritaires pour les Français, qui vont vers moins de sophistication, plus de naturel. » BFM Buisiness du 21/01/17 reprend l’information en l’interprétant d’une manière culpabilisante : « Les Français se sont-ils moins lavés l’année dernière ? Il semblerait que… oui ! » Propagande, quand tu nous tiens.
L’hebdomadaire Marianne n’est pas en reste. Il fustige les pratiques naturelles et écologiques qu’il qualifie de dangereuses et inquiétantes, et prône la consommation de produits industriels. Toujours la culpabilisation au cœur de la propagande.
Plus récemment, le distributeur Carrefour annonce qu’il va proposer des produits issus de semences paysannes « interdites », pour mieux défendre la biodiversité. En fait, il s’agit de contrer la concurrence des chaînes de magasins tels que Biocoop. Le consommateur réussit petit à petit à imposer ses choix.
Un mouvement consistant
Ceci mérite un commentaire. Si les médias dominants en parlent, cela signifie que ce mouvement de déconsommation est aujourd’hui mesurable au plan macroéconomique. C’est donc qu’il a débuté il y a au moins quinze à vingt ans. En effet, la raison de ce mouvement n’est pas uniquement d’ordre financier et ne touche pas que les plus pauvres, elle est surtout d’ordre éthique et sanitaire. La déconsommation touche toutes les catégories sociales.
En fait, nous sommes peut-être en train d’assister à une révolution par le pas de côté. Cela s’appelle voter avec ses pieds, en s’en allant. Incidemment, le roman d’anticipation de Jérôme Leroy « Un peu tard dans la saison » vaut le détour. Aujourd’hui, jardiner, c’est résister ; boycotter les « salauds », c’est résister ; contourner les médias dominants, c’est résister. À ce propos, une dernière bonne nouvelle venue des États-Unis : selon une enquête, 65 % des moins de 50 ans prennent leurs informations sur les réseaux sociaux, plus sur les médias dominants. Existe-t’il un tel mouvement en France ? Mystère, il s’agir d’un sujet stratégique. On peut cependant penser raisonnablement que c’est le cas.
Les grandes manifestations encadrées par les syndicats ou les partis d’opposition sont passées de mode. Elles ne sont que des outils pour faire baisser la pression dans la cocotte-minute, une trahison théâtralisée. La véritable révolution est celle du pas de côté. Nous ne voulons pas de leur système, alors quittons-le en silence et construisons le nôtre à côté.
Régis Chamagne