SOS ! Les commandes ne répondent plus !

Les commandes ne répondent plus

Cet article tente de comprendre la stratégie de l’oligarchie dans l’élection présidentielle française à travers la suite des événements qui semble pour le moins relever du mouvement brownien.

Les éléments de base pour décrypter la pièce de théâtre qui se joue

Premièrement, dans cet ensemble qui fait système : partis politiques traditionnels – médias dominants – instituts de sondage, le centre de gravité est constitué des médias dominants et des instituts de sondage qui les alimentent en éléments de propagande. Les partis politiques sont des éléments périphériques du système. Quant aux donneurs d’ordres, ils ne sont pas visibles pour la majorité des citoyens. Nous parlerons de l’oligarchie, du grec « oligos » qui signifie « le petit nombre » et « arkho » qui signifie « commander ».

Deuxièmement, tous les journalistes savent que les résultats d’une élection sont corrélés avec le temps de passage des candidats dans les médias dominants. Du reste, les résultats des dernières joutes électorales confirment cette règle, à de très rares exceptions près. Cependant, il faut ajouter que cette règle est valable en période de stabilité politique, ce qui n’est pas le cas en ce moment précis de notre histoire.

Troisièmement, au regard des deux postulats précédents, si l’on observe le temps de passage des différents candidats dans les médias dominants, il devient clair que le système avait planifié un second tour Macron-Le Pen, mais qu’il est peut-être en train de changer de stratégie, voire de perdre le contrôle de la situation. Paniquerait-il ?

Période d’instabilité politique et de vide conceptuel

Au départ, la stratégie de oligarchie, relayée par les médias, reposait sur une analyse de situation élaborée à partir des sondages d’opinion dont peut-être certains auxquels les gens ordinaires n’ont pas accès. De cette analyse ressort globalement que les Français ont de moins en moins confiance dans la classe politicienne ainsi que dans les médias dominants, qu’il se situent de plus en plus « hors système », même si cette expression fourre-tout exprime des orientations diverses et parfois contradictoires. En somme, de façon plus ou moins intuitive, les Français craignent de subir le même sort que les Grecs et savent que la campagne électorale n’est qu’une mauvaise pièce théâtre sans importance, que la politique qui sera réellement menée ensuite est déjà décidée ailleurs. Cette intuition est confirmée par le mécanisme des GOPÉ que j’explique dans cet article, et est résumée par la phrase d’Emmanuel Todd, prononcée au cours d’une interview donnée au site comptoir.org : « En France, nous vivons l’arrivée à maturité du vide. »

Pour garder le contrôle de la situation, il fallait donc capter ce mécontentement et le maintenir dans le système. Car ceux qui dénoncent véritablement ce qui se passe sont qualifiés de « petits » candidats et ils doivent le rester. Eux analysent la situation : l’occupation financière que subit notre pays, la dictature qu’est l’Union européenne, le rôle destructeur de l’euro et criminel de l’OTAN. S’appuyant sur ces données, il fallait orienter les « anti-systèmes » de droite vers Marine Le Pen, et ceux de gauche vers Mélenchon pour les neutraliser. Et surtout, il fallait aligner au second tour, face à Le Pen, un candidat présenté lui aussi comme « anti-système ».

Voleur de fenêtre

L’option stratégique s’est alors imposée naturellement : en guerre électronique, on appelle ça un « vol de fenêtre ». Le principe en est simple. Quand un radar est accroché sur sa cible, on superpose à l’écho de la cible un signal électronique d’intensité légèrement supérieur à ce dernier, puis on le décale lentement de l’écho de la cible et on entraîne avec lui la fenêtre de calcul du radar. On a volé la fenêtre de calcul du radar et le radar regarde notre voleur de fenêtre au lieu de la cible. Le voleur de fenêtre de l’oligarchie s’appelle Macron. C’est très ingénieux, il faut le reconnaître.

Pour enrober cette stratégie, ils ont commencé par faire ce que qu’ils savent faire : le matraquage médiatique et la manipulation par les sondages, la routine en somme. Mais cette fois, il fallait y aller un peu plus fort : organiser deux primaires afin d’occuper le terrain médiatique, et pas seulement celle du camp de l’opposition. Donc, exit Hollande ; de toutes façons il n’a pas son mot à dire. Et il fallait insister sur le fait que ces primaires relèvent d’une démarche démocratique que seuls les partis dit « de gouvernement » sont capables d’engager. Donc, matraquer deux idées : démocratique et partis de gouvernement. Cela étant, les résultats des primaires confirment que les Français rejettent les candidats chouchou du système : Juppé, Valls. C’est à ce genre d’indicateur que l’on mesure que nous vivons une période d’instabilité. Ensuite il fallait essayer de faire monter la mayonnaise, préparer les esprits et pourquoi pas susciter de l’enthousiasme. Après tout, nul n’est à l’abri d’un coup de chance. Tout ce cirque pour préparer le lancement de Macron.

Les Français demeurent gaulois, mince alors

Comme je l’ai évoqué dans une interview, Macron est un pur produit du système. Mieux que cela, il est en quelques sortes la « fin de race » de ce système consanguin. Ainsi, pour l’étiqueter « anti système », on a créé un amalgame entre « hors des partis » et « hors système » puis entre « hors système » et « anti système ».

Mais voilà que le vol de fenêtre ne fonctionne pas, et pour des raisons toute simples : les Français demeurent ce qu’ils sont. Mince alors ! Après quarante ans de propagande, ils continuent à réagir comme des gaulois, zut ! flûte et crotte de bique ! Ils disent que Macron n’a pas l’étoffe d’un président : trop jeune, trop frêle, trop inconsistant.

La France est une construction symbolique, je l’explique dans mon livre « Relève-toi ». Quand bien même les Français savent intuitivement que l’homme de l’Élysée n’est qu’un sous-préfet aux ordres de l’oligarchie, il faut qu’il ait un minimum de présence car il est un symbole pour la France. L’excitation que Sarkozy a réussi à faire passer pour de la volonté a pu compenser un temps son extrême vulgarité et son inculture ; l’embonpoint de Hollande a eu un côté rassurant et a compensé un temps sa fadeur et son inculture.

Avec Macron, la mayonnaise ne prend pas. C’est le règne du vide absolu, vide du programme, mais là n’est pas l’important, surtout vide symbolique. Quand un homme d’État porte sa voix par delà la foule, lui s’égosille comme un pantin ridicule.

Panique à bord

Du coup, le scénario catastrophe se profile. Face à Le Pen au second tour, Macron peut perdre. L’oligarchie doit revoir ses plans, très rapidement, en boucle courte, quitte à risquer un phénomène de résonance. Il faut faire revenir Juppé, donc détruire Fillon, il faut éliminer Le Pen. À cet égard, le parlement européen a levé son immunité parlementaire, pas pour des raison d’emplois fictifs, il y aurait eu un risque de jurisprudence, non, pour avoir publié des photos des atrocités commises par DAESH en réponse à Bourdin qui comparait le FN et DAESH.

La situation semble hors de contrôle. Les commandes ne répondent plus. Le système peut partir en vrille à n’importe quel instant.

Il reste toutefois une solution de dernier recours : annuler l’élection et décréter officiellement la dictature en France. Si cela se produit, quelle sera la réaction du peuple et celle de la garde prétorienne : police, gendarmerie, armée ? Là s’arrête mon analyse, je n’ai pas de boule de cristal.

Régis Chamagne