SOS, ça continue à tanguer

À vingt-six jours du premier tour, cette campagne électorale semble partir dans tous les sens, et pourtant des tendances se dégagent, à court terme et à plus long terme. Souveraineté ou soumission.

Un nouveau clivage se dessine

Ainsi que je l’ai déjà évoqué, cette élection a le mérite de donner la parole à des candidats, qualifiés de « petits », qui chamboulent le clivage traditionnel droite-gauche et mettent le doigt sur les vraies questions, chacun à sa manière. François Asselineau, qui, de manière précise et didactique, démontre et démonte les mécanismes de la construction européenne ; Jacques Cheminade, qui remonte à la cause plus profonde qu’est la main-mise des grandes banques sur les institutions supranationales, Jean Lassale, qui, même s’il ne dénonce pas aussi précisément les institutions bancaires et européennes, en décrit les effets en y apportant un supplément d’âme, par son charisme et sa faconde. Le temps de parole cumulé de ces candidats, la complémentarité de leurs discours et les interactions que cela produira dans les cerveaux, sont de nature à provoquer une prise de conscience des vrais enjeux du moment par le peuple français. Les effets s’en feront sentir plus tard.

Cette campagne est celle des semailles. Les moissons viendront en leur temps. On ne récolte pas au printemps. Il y a dans toute transition, un phénomène d’hystérésis, ou de rémanence. Par exemple, l’heure la plus chaude du jour n’est pas celle où le soleil est à son apogée dans le ciel, mais deux heures plus tard. Donc, malgré l’émergence d’un nouveau paradigme, l’ancien clivage persistera encore un temps et l’arithmétique ancienne continuera à produire ses effets, certes de façon plus atténuée et surtout dans un désordre apparemment incompréhensible, de ceux qui caractérisent un système en perdition.

Le désordre d’un système en perdition

Cette campagne a donc le mérite de révéler la supercherie du clivage droite-gauche destiné à neutraliser les Français, à les empêcher de se rassembler pour se réinventer un destin commun et réinscrire la France dans l’Histoire.

Les ralliements des uns et des autres à Emmanuel Macron, qui vont du Parti Socialiste aux Républicains en passant par le Centre et les Verts, constituent ce révélateur. Il est le fruit d’une auto-intoxication par les sondages et d’un réflexe de survie d’une classe politicienne en plein naufrage.

La manipulation massive des sondages, par l’auto-intoxication qu’elle produit, a créé un champ gravitationnel factice autour du candidat Macron, un processus d’auto-sélection par autocatalyse fondée sur un artefact. Du coup, les politiciens professionnels de tous bords se rallient à lui comme à une dernière bouée de sauvetage. Ils n’ont même pas vu que la bouée en question était en papier. La bouée a commencé à boire l’eau et ceux qui s’y accrochent vont couler. Espérons qu’ils coulent définitivement et qu’on ne les revoie plus jamais dans l’espace politicien français, pour le bien de la France et du peuple français. Ils couleront, malgré des sondages qui donnent Macron au second tour.

Du reste, à propos de sondages, on peut lire mon dernier article. Les instituts de sondage estampillés appartiennent à des patrons du CAC-40, tous soutiens de Macron. En définitive, la tactique de l’oligarchie, que je tente d’expliquer dans cet article, a le mérite de dévoiler au public la grande supercherie de l’alternance PS-LR qui n’a rien d’une alternative.

Le système a peur

Corrélativement à la prise de conscience de sa détresse, le système médiatico-politicien prend peur devant l’émergence des questions politiques de fond. Ainsi, après le débat « entre soi » organisé par TF-1 au profit des cinq candidats sélectionnés par l’oligarchie, le service public propose d’organiser une série de débats thématiques à onze. Mais voilà que le « club des cinq » se montre réticent et que ses membres commencent à refuser ce débat, sous des prétextes fallacieux. Ils ont peur. Ils ont peur d’être mis devant leurs responsabilités. Ils ont peur d’être acculés à admettre l’impossibilité de tenir leurs promesses, et ce, devant des millions de téléspectateurs. Peur que François Asselineau ou Jacques Cheminade leur pose la question : « Comment appliquerez-vous vos promesses de campagne en respectant l’article 121 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) ? » Car c’est tout simplement impossible ! Mélenchon l’insoumis a été le premier à flairer le danger. Dans la foulée, Macron-courage-fuyons-vers-une-île-la-Guyane. Les autres (Fillon, Hamon et peut-être Le Pen) suivront à n’en point douter. Ils refusent le nouveau clivage, celui d’une France souveraine ou bien soumise. Et on les comprend. Ce serait la fin de leurs sinécures. Qu’importe, celle ou celui qui sera élu devra faire avec le nouveau paradigme, malgré lui.

Ce qui pourrait se passer

À court terme, l’arithmétique ancienne va continuer à fonctionner peu ou prou. On peut donc s’attendre à ce que François Fillon fasse un bon score car les électeurs qui votent traditionnellement à droite n’ont pas disparu d’un coup de baguette magique. Cela étant, certains d’entre eux pourraient très bien se rallier à Nicolas Dupont-Aignan. On peut s’attendre à ce que Marine Le Pen arrive en tête du premier tour, disons à plus de 30 %, car elle cristallise une part importante du raz-le-bol populaire qui grossit jour après jour. On peut s’attendre à ce que Jean-Luc Mélenchon ramasse les voix de gauche, au détriment de Benoît Hamon, qui incarnera la mort clinique d’un parti qui a suffisamment trahi le peuple pour être durement et justement sanctionné. On peut donc s’attendre à ce que le second tour se joue entre ces trois-là : Le Pen, Mélenchon et Fillon.

Par contre coup, en plus d’être témoins de la mort du PS, nous allons probablement assister à la déroute d’Emmanuel Macron, pauvre bouchon de liège lancé dans la tempête, sans gouvernail ni boussole. Pauvre bouchon auquel se seront raccroché tous les inutiles, tous les nuisibles, tous les risibles, toute une partie d’un système.

À moyen terme, nous allons assister à l’émergence du seul débat politique qui vaille par ces temps orageux :

Nous, le peuple français, voulons-nous, osons-nous dire NOUS ? Nous, le peuple français, déciderons-nous de travailler collectivement à un destin commun, le nôtre et celui de la France ? Nous, peuple français, allons-nous faire nôtres ces paroles d’Ernest Renan ? : « Une nation est donc une grande solidarité, constituée par le sentiment des sacrifices qu’on a fait et de ceux qu’on est disposé à faire encore. »

Ou alors, persisterons-nous à nous bercer d’illusions ? Continuerons-nous à nous abandonner dans la résignation ? Nous entêterons-nous à suivre ceux qui nous maintiennent dans la soumission ?

Allons-nous, oui ou non, décider enfin de quitter cette dictature européenne qui nous emprisonne ? allons-nous redevenir le pays des Hommes libres, le pays des Francs, la France ? Ou bien voulons-nous rester définitivement asservis à ces gens de Bruxelles qui ne nous veulent pas du bien ?

Dans la tempête, certains scrutent fébrilement les bouées auxquelles ils pourraient s’arrimer, d’autres tiennent la barre, portent leur regard vers l’horizon et choisissent le bon cap.

Régis Chamagne