
Derrière l’arbre d’une question budgétaire se cache la forêt de l’esprit de défense nationale et des moyens de le mettre en œuvre, clé de voûte du sentiment d’être français.
L’arbre qui cache la forêt
Le général Pierre de Villiers, Chef d’état-major des armées (CEMA), a fini par poser sa démission, après une longue période de bras de fer entre lui et Macron, ancien ministre de l’économie et actuel locataire de l’Élysée. Les raisons invoquées sont d’ordre budgétaire, tant Macron veut imposer des coupes budgétaires importantes à nos armées, tout en continuant à augmenter ses missions, à l’intérieur comme à l’extérieur.
Le CEMA a ainsi déclaré : « Je considère ne plus être en mesure d’assurer la pérennité du modèle d’armée auquel je crois pour garantir la protection de la France et des Français aujourd’hui et demain, et soutenir les ambitions de notre pays. » Cela résume bien l’apparente ligne de friction entre Macron et lui.
Mais en fait, la question que soulève ce bras de fer est beaucoup plus profonde que cela, car le modèle d’armée auquel il croit – et nous avec lui – doit tout simplement disparaître, et Macron, majordome de l’oligarchie, est payé pour cela.
Cette forêt est une jungle
Pour bien comprendre ce qui se passe, il faut changer radicalement de paradigme et accepter de regarder les événements à travers un prisme inimaginable jusqu’alors. Opérer cette transition demande un effort conceptuel considérable, voire un arrachement moral. Les personnes qui nous gouvernent ne sont pas là pour défendre nos intérêts ni le bien commun de la nation, ils sont là pour détruire la nation au profit d’une oligarchie financière mondialiste. Difficile à accepter tel quel, et pourtant…
Diana Johnstone, universitaire et journaliste américaine, est la première personne que j’ai entendu le formuler clairement. « Les pires ennemis de l’Empire sont les états-nation car ce sont des entités capables de s’opposer à la stratégie de domination impériale. » avait-elle dit en substance lors d’une table ronde que j’animais, en 2014. Sachant que derrière l’Empire se trouve l’oligarchie financière qui en détient les commandes de pilotage.
Il faut donc détruire la France. Sarkozy a commencé le boulot, Hollande l’a poursuivi et amplifié, Macron est là pour le finir. Ainsi, tous les piliers sur lesquels reposent une nation digne de ce nom ont été soigneusement et méthodiquement attaqués, effrités, jusqu’à ce qu’ils tombent d’eux-même.
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La justice, pilier essentiel d’un État de droit, a été réduite par Sarkozy qui a fait fermer nombres de tribunaux, afin de préparer les accords transnationaux et leurs tribunaux privés dits « d’arbitrage ». en parallèle, les moyens de la police et de la gendarmerie sont diminués tandis que les sociétés de sécurité privées se développent.
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L’école, sans laquelle il ne peut y avoir de démocratie digne de ce nom, est démantelée d’un côté et privatisée de l’autre. On a commencé par les universités, cela finira par la privatisation des écoles maternelles. Tout cela pour affaiblir la culture et la conscience du peuple afin de renforcer l’endorecrutement des élites. Cela a commencé sous Sarkozy et Hollande et nul doute que le mouvement va s’accélérer.
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L’hôpital public, dernier garant de l’égalité devant les soins, est mis sous pression, ferme des installations jugées trop petites, tandis que les cliniques privées poussent comme des champignons.
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Etc, etc.
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La défense enfin, fonction régalienne s’il en est, est cette fois au bord de l’effondrement systémique. Les armées françaises avaient jusque-là réussi à maintenir un minimum de cohérence pour assurer leurs missions et préparer l’avenir, mais aujourd’hui, elles atteignent leurs limites structurelles. En parallèle, l’industrie nationale de défense a été presque en totalité privatisée et vendue à l’étranger : à l’Allemagne via Airbus et Dexter (le GIAT), aux États-Unis via Alstom, ainsi que je l’explique dans cette conférence. Il n’y a plus guère que la société Dassault qui ne soit pas passée sous la coupe de l’étranger. Il va falloir surveiller de très très près la politique de Macron à l’égard de Dassault.
La forêt qui se cache derrière l’arbre de la démission du CEMA, c’est donc la jungle du néolibéralisme, c’est la volonté de détruire les états-nation, en l’occurrence la France, au profit d’une oligarchie financière transnationale. L’Union européenne, et en particulier son projet d’euro-régions, est là pour cela. Pas étonnant que Macron soit si « européen ».
La portée symbolique de cette démission
Reste que le CEMA a démissionné et que c’est la première fois que cela se produit dans l’histoire de la Ve République. Un tel acte, pour avoir une portée, doit tomber au bon moment et dans de bonnes conditions, afin de susciter la réaction attendue.
Nous verrons bien les effets que va produire cette démission, dans la population, chez les militaires eux-mêmes, en particulier chez les sous-officiers qui constituent l’âme de l’armée, mais également chez les industriels de la défense et leurs sous-traitants.
Dans le pire des cas, ce sera un coup d’épée dans l’eau ; un général s’en va, un autre lui succède. Dans le meilleur des cas, cela provoquera une prise de conscience massive de ce qui est en train de se tramer. Plus probablement, entre les deux, cela pourrait au moins faire réfléchir les militaires, quels que soient leurs places dans la hiérarchie, sur le degré de confiance qu’ils peuvent accorder à ce type qui porte le costume d’un chef d’État mais qui n’est qu’un simple majordome aux ordre d’une oligarchie financière.
Ainsi, cela pourrait préparer les militaires, et plus généralement les fonctionnaires, à choisir, le moment venu, entre leur devoir d’obéissance à un système représenté par ce type, et ce que pourrait leur dicter leur conscience d’Homme libre au service de la patrie et du peuple français.
Régis Chamagne