Le choix philippin : une bascule géopolitique :

Carte des Philippines qui situe l'archipel dans l'Asie du sud-est
Place des Philippines en Asie du sud-est

 

Retournement d’alliance des Philippines

Le nouveau président philippin, Rodrigo Duterte, élu le 30 juin 2016, vient d’entreprendre un revirement diplomatique fondamental. Il annonce vouloir nouer des alliances avec les Russes, mais surtout les Chinois, et proclame même la séparation des Philippines d’avec les États-Unis, à l’occasion d’une visite d’État en Chine jeudi 20 octobre dernier. Et ce, malgré leurs différents territoriaux à propos d’îles ou d’îlots en mer de Chine.

Ce changement de perspective de la part du président philippin est considérable car il est un symptôme supplémentaire de la perte de contrôle étasunien sur le monde. En effet, jusqu’à la prise de fonctions de M. Duterte le 30 juin, Manille était l’un des alliés des États-Unis les plus importants et les plus fidèles en Asie.

C’est dans le cadre plus large de la guerre hispano-américaine de la fin du XIXe siècle que les États-Unis avaient mis la main sur les Philippines. Après avoir encouragé les mouvements d’indépendance vis à vis de l’Espagne, les États-Unis étaient intervenu militairement, puis à la suite du traité de Paris du 10 décembre 1898, avaient fini par acheter les Philippines à l’Espagne pour la somme de 20 millions de dollars. Dès lors, ils avaient réprimé sauvagement les mouvements indépendantistes à leur encontre : un million et demi de Philippins tués. Depuis, en dehors de la période de la seconde guerre mondiale et de l’expansion japonaise dans la région, les Philippines étaient un gentil vassal des États-Unis et cela devait durer pour l’éternité.

Zbigniew Brzezinski n’évoque même pas le cas des Philippines dans son Grand échiquier, à l’instar de tous les pays qu’il classe, sans le dire, dans le pré carré étasunien immuable, tant il considérait ce pays comme attaché et soumis aux États-Unis.

Mais depuis la montée en puissance de la Chine, de l’Organisation de Coopération de Shanghai et des BRICS, les Philippines étaient devenues un pivot géopolitique régional. Et voilà que ce pivot géopolitique passe à l’ennemi.

Géopolitique globale

Pour comprendre l’importance de ce revirement, il faut replacer les Philippines dans la grande stratégie étasunienne de domination mondiale. Cette stratégie s’appuie sur les théories de John Mackinder : qui tient l’Europe orientale tient le Hearthland, qui tient le Hearthland domine l’île mondiale, qui domine l’île mondiale domine le monde. L’île mondiale est représentée par les continents eurasiatique et africain, le Hearthland étant composé du plateau continental eurasiatique, c’est-à-dire la Russie. Et pour dominer la Russie, il faut l’encercler, à l’ouest (l’union européenne), au sud (le Moyen-Orient) et à l’est (Japon, Chine, Asie du sud-est).

Nous sommes en train d’assister à l’effritement de ce château de sable. En particulier du côté de l’Asie du sud-est dont de plus en plus de pays ne font plus confiance aux États-Unis pour assurer leur sécurité et se tournent vers la Chine et la Russie. Souvenons-nous que l’Indonésie avait déjà choisi le SU-35 pour remplacer leurs vieux F-5E.

Le revirement des Philippines constitue ainsi un événement considérable car il affecte en profondeur la stratégie étasunienne d’encerclement de la Russie sur son flan oriental. De surcroît, il renforce la toile en train de se tisser de ce côté du monde et qui préfigure peut-être le monde de demain. Je ne serais pas étonné que les Philippines demandent prochainement leur adhésion à l’OCS.

Régis Chamagne