
Comprendre ce qui se passe autour de la Syrie en ce moment ne relève peut-être pas de l’analyse stratégique ou géopolitique, mais plus sûrement de la psychanalyse.
Toujours le même scénario
Les États-Unis annoncent que Bachar el-Assad a l’intention d’utiliser des armes chimiques contre son peuple. Ils préviennent que s’il le fait, il aura franchi la ligne rouge et, qu’en représailles, la Syrie sera l’objet d’attaques de la part de la coalition occidentale. Bachar el-Assad, qui est docteur en médecine, franchit le ligne rouge. Ainsi, les États-Unis peuvent lancer l’offensive.
Ce scénario a été « joué » le 21 août 2013. Le 3 septembre, l’attaque débutait mais était aussitôt arrêtée, deux missiles américains ayant été abattus pas des missiles russes S-300. Dans la foulée, le président Poutine proposait un plan de démantèlement de l’arsenal chimique syrien. Quelques mois plus tard, une étude du prestigieux MIT (Massachusetts Institute of Technology) affirmait que les tirs d’armes chimiques provenaient de la zone rebelle.
Manque d’imagination ? Viscosité mentale ? Toujours est-il que c’est le même scénario qui est « rejoué » aujourd’hui. Le fait que des scénarios se répètent à l’identique est un signe de notre époque, comme par exemple l’habitude prise par les terroristes contemporains d’oublier systématiquement leurs papiers d’identité sur les lieux de leurs crimes.
La répétition ad nauseam des mêmes scénarios, des mêmes modes d’action, de la même mécanique, semble relever de l’obsession, de l’enfermement mental et du refus de voir le monde tel qu’il est.
L’état des intentions
Donald Trump a indiqué qu’il se donnait 24 à 48 heures pour prendre une décision d’attaquer ou non des cibles en Syrie, par missiles de croisière. La Russie a, quant à elle, annoncé, qu’en cas d’attaque contre la Syrie, elle intercepterait les missiles et attaquerait leurs plates-formes de tir.
Nous sommes donc en pleine confrontation entre les USA (et leurs toutous européens) et la Russie (associée à la Chine) : confrontation des volontés, confrontation des puissances militaires, et de la technologie qui va avec, dans le cas où les États-Unis attaqueraient.
Une bête acculée
Les États-Unis sont à la croisée des chemins :
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Dans le domaine économique, la dédollarisation de l’économie mondiale s’intensifie. La Russie et surtout la Chine se débarrassent de leurs bons du Trésor américains et achètent de l’or ; elles commercent dans leurs monnaies, signant la fin du pétrodollar pour bientôt.
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Dans le domaine militaire, le Pentagone pense que les États-Unis ne seront plus la première puissance d’ici quelques années. La réalité est que les Russes les ont déjà dépassé, sur le plan technologique et probablement sur celui de la conduite des opérations.
Face à cette situation, il est probable que certaines personnes, néocons imprégnés du fantasme de suprématie technologique, estiment qu’il y a une « fenêtre de tir » pour engager une bataille limitée contre les Russes et les battre. Le théâtre syrien est le champ de bataille disponible pour cela.
Une équation militaire
Une attaque américaine contre des cibles en Syrie pendrait la forme d’une offensive de saturation, de sorte à placer les défenses antiaériennes russes et syriennes en situation d’infériorité numérique face à la quantité de missiles tirés simultanément. Il faudrait alors d’autres moyens que les S-300 et S-400 pour contrer l’offensive, des actions de guerre électronique ou informatique : brouillage du GPS, reprogrammation des missiles en vol, etc. Ce serait l’épreuve de vérité technologique.
Les Russes riposteraient-ils, ainsi qu’ils l’ont annoncé, contre les plates-formes de tir américaines ? Peut-être pas après une première bordée de missiles, s’ils les neutralisaient tous. Peut-être s’ils n’y parvenaient pas ou après une deuxième bordée de tirs occidentaux.
En fait, l’équation qui se pose aux Russes est la suivante : jusqu’où aller pour faire redescendre sur terre les fous de Washington sans provoquer l’escalade de la violence ? Rester sur la défensive en montrant sa supériorité et miser sur une prise de conscience rationnelle des faucons du Pentagone ? Couler un ou plusieurs de leurs navires et espérer que l’effet produit sera celui d’une douche froide, de celles qui dégrisent, qui ramènent à la raison ?
Cette opération, si elle a lieu, pourra être baptisée « Danse avec les fous. »
Régis Chamagne