
« Une bonne illustration vaut mieux qu’un long discours. » disait mon instituteur vénéré de CM2.
Il est des images qui éclairent à elles seules un moment historique, un long processus complexe. Celles du G7 au Canada, et concomitamment celles du sommet de l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS) en Chine, synthétisent à la perfection un processus en cours depuis plus d’une dizaine d’années et annoncent qu’il est en phase finale.
Le G7 : diplomatie à OK Corral
Disons-le d’emblée, ce G7 (pour groupe des sept) aura tenu toutes ses promesses. Il était sensé être un groupe de discussion et de partenariat économique des sept pays réputés être les plus grandes puissances économiques du monde. Il aura montré que la puissance du monde est aujourd’hui ailleurs. Il aura clairement exprimé une réalité : le bloc atlantico-occidental sous domination américaine est en plein délitement.
La domination américaine avait pour corollaire la soumission des autres pays occidentaux, en particulier leur acceptation du privilège exorbitant que procure le dollar aux États-Unis. Ce privilège permettait aux États-Unis d’imposer leur lois et règlements, de piller les autres pays avec leur consentement ; on l’a bien vu à l’occasion de l’affaire Alstom, dont Micron-Jupiler fut le lamentable exécuteur.
Mais, trop de domination tue la domination. Elle confère un sentiment d’invulnérabilité qui agit comme un verre déformant de la réalité. Tous les pilotes savent bien que l’excès de confiance est un défaut mortel. Tandis que les médias dominants nous ont chanté les louanges de l’Occident éclairé, les observateurs rigoureux savaient depuis longtemps, au moins de puis la fin des années 90, que les États-Unis allaient vers leur effondrement. Il fallait un déclencheur pour révéler, sinon précipiter le mouvement.
Donald Trump n’est en fait que l’instrument du destin, et quel bel instrument en vérité. Ses excès, sa brutalité, sa vulgarité expriment à la perfection la réalité d’un monde occidental imbus de lui-même, prêt à commettre tous les crimes contre l’Humanité au nom des droits de l’Homme, à s’arroger le droit de dire le bien et le mal avec le plus grand mépris pour le reste du monde. Mais voilà que toute cette brutalité se retourne maintenant contre lui.
Peu importe comment les choses se sont réellement passées au cours de ce G7, les arguments des uns et des autres. Les images suffisent à comprendre que la logique de guerre en était le moteur. Et chacun semble tenir son rôle dans cette diplomatie du Far-West. Le seul qui a l’air un peu triste, c’est Shinzo Abe, l’Asiatique du groupe, dont le pays se situe à quelques encablures de l’autre sommet, celui de l’OCS.
Le sommet de l’OCS : solidarité et courtoisie
Pendant que la division se fait à l’Ouest, l’OCS se structure, accueille de nouveaux membres – l’Inde et le Pakistan – et en invite un autre – l’Iran -, qui sera certainement un futur membre. Elle aborde les dossiers stratégiques du moment dans un esprit de coopération et d’unité affichée : le nucléaire iranien après le retrait américain de l’accord ; la sécurité régionale ; le partage du renseignement sur le terrorisme islamiste ; la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie ; les échanges commerciaux et les investissements mutuels entre les pays membres afin de contrer la politique protectionniste américaine.
Les images des deux chefs d’État chinois et russe, se serrant la main, trinquant au champagne, expriment à la fois la logique de paix et de dialogue qui a prévalu au cours de ce sommet, et aussi le renforcement de la relation entre les deux pays. En fait, les relations entre la Russie et la Chine n’ont cessé de se renforcer et de se combiner au cours des dernières années. On se souvient que quelques jours après le 3 septembre 2013, quand des missiles russes avaient intercepté des missiles américains tirés sur la Syrie, le président chinois avait déclaré : « Il va falloir dédollariser l’économie mondiale. » La Russie possède aujourd’hui l’armée la plus efficace au monde tandis que la Chine est en passe de devenir la première puissance économique du monde. Une telle association a de quoi faire réfléchir.
Conclusion
Le contraste flagrant entre le G7 et le sommet de l’OCS, entre l’ancien monde qui se délite et le nouveau monde qui émerge n’a, cette fois-ci, échappé à personne. Même un média comme Le Monde s’en est fait écho, c’est dire. La prise de conscience qu’un changement de paradigme géopolitique est en voie d’achèvement va à présent se répandre inexorablement. Bienvenue dans le XXIe siècle.
Régis Chamagne