Covid-19, un révélateur

La pandémie du Covid-19 se développe ; les effets qu’elle induit et les réactions qu’elle suscite nous révèlent la façon dont tourne le monde. Il y a beaucoup de choses à dire, beaucoup d’angles de vue différents et complémentaires sur le moment historique que nous vivons. Beaucoup trop ; je me limiterai à certains aspects. La pandémie en cours agit comme un révélateur de notre monde et de nos sociétés.

D’abord, le virus lui-même

D’un point de vue comptable, le nombre de décès dus au Covid-19 n’est pas si élevé que cela pour le moment, relativement à une grippe saisonnière. Cela étant, il possède deux caractéristiques qui le rendent potentiellement très inquiétant :

  • La première caractéristique est son temps de latence ; le temps qui s’écoule entre le moment où une personne contracte le virus et le moment où elle est diagnostiquée positive au virus est très long, de l’ordre de deux semaines. Pour quelqu’un qui a fait un peu de mathématiques dans sa vie, ou qui a un peu de bon sens, la connaissance de cette simple caractéristique doit immédiatement suggérer une vitesse de propagation très élevée et provoquer une réaction simple, l’anticipation. C’est ce qu’ont fait les autorités chinoises dès les caractéristiques essentielles du virus connues. Elles ont décrété la mise en quarantaine de Wuhan et le confinement de la population au moment où quelques centaines de cas seulement étaient avérés. Elles savaient très bien que 400 cas connus signifiaient 10 à 15 000 cas réels et une propagation explosive. Simples mathématiques.

  • La seconde caractéristique est son taux de létalité ; la proportion entre le nombre de décès et le nombre de personnes ayant contracté le virus. Ce taux ne sera mesuré avec précision qu’à la fin de l’histoire, car à un moment donné, nous ne connaissons pas le nombre réel de personnes infectées, en raison du temps de latence et des moyens nécessaires pour le dépistage. De plus, ce taux de létalité sera différent d’un pays à l’autre en fonction des mesures prises par un pays ou l’autre. Cela étant, on peut d’ores et déjà dire, d’après les chiffres connus de Chine et d’ailleurs, que le taux de létalité du Covid-19 est très supérieur à celui d’une grippe saisonnière, au minimum dix fois supérieur, voire beaucoup plus. On passe de un pour mille à un pour cent, voire deux, trois, quatre pour cent, ou plus.

Résumons-nous : un long temps de latence et un fort taux de létalité. Ces deux éléments conjugués s’offrent à la capacité d’observation, de compréhension et de décision de la part des différents gouvernements et des différents systèmes. Là encore, se confirme l’idée d’un changement de paradigme géopolitique, où le bon sens et l’intelligence se situent chez les dirigeants de l’est tandis que ceux d’occident, incapables de comprendre, incapables de voir à long terme, incapables de définir des priorités, tergiversent, hésitent et pour finir rejettent leurs responsabilités. Mais avec ce changement de paradigme, disparaît aussi une idéologie dominante, celle de la mondialisation.

Mondialisation, piège à con

J’ai emprunté le titre de ce paragraphe à Charles Sannat, dans cette vidéo . Où sont passés les chantres de la mondialisation heureuse ? Eux qui voulaient faire de la Chine l’usine du monde, et qui y sont parvenus, constatent, comme tout un chacun, que lorsque l’usine du monde cesse de produire et d’exporter, le doux commerce s’interrompt, les chaînes logistiques se grippent, et que leur monde n’a aucune capacité d’adaptation. Il n’y a pas de plan B ; There is no alernative.

Quatre-vingt-dix pour cent du paracétamol est fabriqué en Chine, idem pour les masques de protection contre les virus. Ça c’est malin ! Nous n’avons plus affaire à des effets collatéraux mais à des boucles de rétroaction positives. La crise sanitaire engendre une crise économique qui elle-même aggrave la crise sanitaire. À l’arrivée, nous auront eu une crise sanitaire, une crise économique et une crise financière sans précédent. Avec à la clé, espérons-le, l’effondrement d’un système qui détruit la nature et l’humanité.

Cela étant, pour des analyses économiques précises, pertinentes et fouillées sur les conséquences économiques et monétaires de la pandémie, n’étant pas économiste moi-même, je renvoie à des spécialistes compétents et indépendants d’esprit : Charles Sannat, Olivier Berruyer, Olivier Delamarche, Philippe Béchade, Charles Gave, etc.

Un autre aspect de la propagation mondialisée du Covid-19 est que la question des frontières protectrices revient à l’ordre du jour. Comme un réflexe de survie, un réflexe naturel puisqu’il s’agit de survie, les gouvernements prévoyants ont rapidement fermé leurs frontières et instauré un dépistage systématique à l’entrée de leur pays. Il n’y a que notre majordome pour avoir envisagé de demander l’autorisation de fermer nos frontières à l’UE. Mais puisque l’Allemagne l’a fait, il n’y a plus qu’à faire comme maman Merkel.

Et à propos de l’UE, vous savez, celle qui nous protège, celle sans laquelle nous ne pesons pas dans le monde, quels moyens d’entraide entre les pays de l’Union a-t-elle mis en œuvre ? Quand par exemple l’Italie demandait des masques en urgence ? Rien, Nada, Niente, Nichts, Niks, Nimic ! C’est la Chine qui a envoyé des masques à l’Italie. Ah, pour nous imposer les OGM et le glyphosate, l’UE est forte ; pour humilier le peuple grec, elle est très forte ; pour imposer ses institutions autoritaires et inégalitaires à des peuples qui les ont refusé par référendum, elle est très très forte. Mais pour faire face à une situation d’urgence qui demande de l’intelligence et du cœur, elle est plus qu’inutile, elle est nuisible.

Évoquons le cas de la France

En forme de synthèse, on peut dire que nos dirigeants ont réagi en communicants, pas en scientifiques. Ils ont fait ce qu’ils savent faire : du théâtre. En responsables qu’ils devraient être, ils se sont montrés irresponsables.

Après avoir sous-estimé la menace, moqué les prévoyants qui, comme moi, dès le début, faisaient provision de nourriture pour tenir un bon moment, après avoir pris des mesures incohérentes au fil du développement de l’épidémie en France, ils promettent aujourd’hui des amendes à ceux qui ne respecteraient pas leurs directives. Cerise sur la gâteau, les policiers et gendarmes chargés de contrôler et d’infliger ces amendes ne portent pas de masque, se transformant ainsi en véhicules de propagation du virus. Inconsistants dans un premier temps, nos dirigeants se montrent désormais violents à l’égard du peuple, car brandir la menace d’une amende au moment où il faudrait promouvoir l’entraide généralisée est une forme de violence. Que voulez-vous, chaque être persévère dans son être.

Inconsistance et violence sont les deux faces d’une même médaille ; la médaille de la bêtise et de la méchanceté. Bête et méchant : rarement ces deux adjectifs associés n’auront si bien qualifié une classe politique et un système.

Et maintenant, on nous dit que nous sommes en guerre. Alors, avec un généralissime qui s’appelle Emmanuel Macron, il y a vraiment de quoi s’inquiéter. D’ailleurs, comme une ironie de l’histoire, Macron s’apprête à migrer de l’Élysée vers le château de Vincennes, d’où le généralissime Gamelin avait conduit les armées françaises à la débâcle en 1940. Tout un symbole.

Ce sera peut-être un sujet d’étude pour les historiens du futur : comment la France en est-elle arrivée, au cours de notre période, à être dirigée par des gens aussi médiocres ?

La fin d’un système

Le système qui nous est imposé depuis plusieurs décennies a produit un certain nombre d’effets, dont ceux-ci, relatifs à la crise qui nous occupe :

  • Il a commis un hold-up sur les fonds de la recherche publique fondamentale, au profit des entreprises privées, retirant ainsi des subventions à des laboratoires qui travaillaient sur les coronavirus.

  • Il a laminé l’hôpital public, encore une fois au profit des cliniques privées. Pour reprendre un vocabulaire cher aux néo-libéraux, le cœur de métier de l’hôpital est de soigner des gens, sauver des vies et être prêt à faire face à une catastrophe, de quelque nature qu’elle soit, pas de verser de l’argent à des actionnaires. Nous pourrions généraliser et adapter la formule à tout ce qui relève du service public.

  • Il a envoyé les forces de l’ordre gazer, tabasser et humilier le personnel soignant qui manifestait, à juste raison, pour le maintient d’un service public hospitalier digne de la France. Ce personnel soignant dont les forces de l’ordre, exposées au virus, vont avoir grandement besoin.

  • Il a détruit nos réserves stratégiques de masques : « Jusqu’en 2010, il y avait un stock d’État d’un milliard de masques chirurgicaux et de 600 millions de masques FFP2. À la suite de l’épisode épidémique de grippe H1N1, il a été décidé que ces stocks ne s’imposaient plus. »

Et maintenant, aux résultats ! Ce système s’est détruit lui-même par les effets qu’il a produit. Il s’effondre par son centre. Je ne développerai pas cela ici. Il suffit de voir l’état de Boeing aux États-Unis et l’état de la Deutsche Bank en Allemagne.

Les enseignements sont simples à tirer :

  • La robustesse d’une nation, sa faculté à survivre, réside dans sa capacité à produire elle-même l’essentiel de ce dont elle a besoin. L’autonomie alimentaire et énergétique doivent être recherchées, ainsi que l’autonomie industrielle dans les domaines stratégiques.

  • Les services publics doivent être vigoureusement protégés, pourquoi pas par la Constitution.

  • Lorsque l’on confie les commandes de la politique à des financiers, cela se termine généralement par une guerre mondiale. Cette fois-ci, la pandémie du Covid-19 nous évitera peut-être cela, à condition de virer tous ces incapables à grands coup de pied aux fesses.

À la fin, l’optimisme

Un système malfaisant qui s’effondre, ce sont des perspectives nouvelles qui s’offrent. Espérons que cette fois-ci, la prise de conscience sera massive, surtout de la part des janissaires du système.

Dans l’immédiat, il faut se prémunir : par l’intelligence et la solidarité. Les deux vont ensemble, car l’intelligence vient du cœur et de l’expérience individuelle ; ensuite elle monte au cerveau ; celui-ci l’intègre, l’analyse, la fait sienne, et en élabore des concepts et des expériences, reproductibles, analysables et améliorables.

Ensuite, profitons du temps qui nous est offert pour revenir aux valeurs de solidarité, d’entraide et réfléchir profondément à la sorte de société dans laquelle nous voulons vivre.

Cette crise nous aura donné l’occasion de nous recentrer, de nous relocaliser, de nous dépolluer du consumérisme ridicule propagé par les chiens de garde du système. Et si de nouvelles habitudes étaient en train de naître ?

Régis Chamagne