Art. 121 du TFUE et loi Macron

Article 121 du TFUE par régis Chamagne

Quel rapport y-a-t-il entre l’article 121 du traité sur le fonctionnement de l’union européenne (TFUE) et la loi Macron ? C’est la question à laquelle se propose de répondre cet article.
L’article 121 du TFUE est celui qui établit les grandes orientations des politiques économiques des États membres et de l’Union européenne (GOPÉ). Quatre institutions interviennent dans ce processus : le Conseil, le Conseil européen, le Parlement européen et la Commission européenne. Une lecture attentive de cet article 121 nous permet de comprendre où sont les responsabilités.

1. Le Conseil, qui est composé d’un membre de niveau ministériel par État a une petite légitimité démocratique dans la mesure où ses membres représentent le pouvoir exécutif de chacun de leur pays, pouvoir exécutif issu d’une élection. C’est lui qui signe le document final et qui, en apparence, pilote le processus des GOPÉ. En fait, il s’agit d’un trompe-l’œil visant à donner un vernis démocratique aux choix économiques de l’UE.

2. Le Conseil européen, qui est composé des chefs d’État des pays membres, se réunit quatre fois par an. En apparence, il supervise le travail du Conseil. En réalité, quand les chefs d’État se réunissent, sous la houlette du président de la Commission européenne d’ailleurs, ils font un bon repas, une photo de famille et signent les documents qu’on leur présente.

3. Le Parlement européen dont les membres sont élus au suffrage universel dans chacun de leur pays est l’institution la plus démocratique de l’UE. Dans ce processus des GOPÉ, il est simplement tenu informé. Mais dans le cas de sanctions à l’égard d’un pays ou de mise sous tutelle de la politique économique de ce pays, il en arrête les modalités en coordination avec le Conseil.

4. Enfin, la Commission dont les membres, un par pays, sont choisis – c’est-à-dire non élus – parmi des personnalités offrant toute garantie d’indépendance – c’est-à-dire qui n’ont de compte à rendre à aucun gouvernement – est l’institution la moins démocratique de l’UE et la plus indépendante des peuples. Et c’est elle qui est en réalité le maître d’œuvre du choix et de l’application des politiques économiques des États membre de l’UE. C’est « sur recommandation de la Commission » que le Conseil ou le Conseil européen agissent tout au long du processus.

En synthèse, la Commission ordonne, contrôle et sanctionne tout pays qui mènerait une politique non conforme. Fermez le ban !

Pour l’année 2015, les recommandations du Conseil à l’égard de la France – il faut entendre les diktats de la Commission – datent du 13 mai 2015. On peut les télécharger à cette adresse :
http://ec.europa.eu/europe2020/pdf/csr2015/cr2015_france_fr.pdf
Le Conseil, sous prétexte d’améliorer la croissance et l’emploi, recommande de baisser drastiquement les dépenses de sécurité sociale, de privatiser les retraites, de réduire le salaire minimum, de casser le droit du travail, de supprimer les obstacles à la privatisation de la santé, de réduire les services publics. Évidemment, ceci n’est pas écrit explicitement, c’est énoncé dans la novlangue ultralibérale habituelle. Il faut lire ce texte de 7 pages entre les lignes.

L’application de ces « recommandations » fait l’objet d’un document édité sous l’égide du Premier ministre et intitulé : PROGRAMME NATIONAL DE RÉFORME 2015. On peut le trouver là :
http://www.economie.gouv.fr/files/programme_national_reforme_2015.pdf
Ce document de 161 pages est beaucoup plus détaillé. Il énonce entre autres la mise en œuvre des recommandations et la progression de cette mise en œuvre par rapport aux objectifs de 2020. L’annexe 4 (la dernière) est particulièrement savoureuse. C’est le tableau de suivi des recommandations. Cette annexe 4 est en fait la boucle de rétroaction du processus par laquelle la Commission peut contrôler que ses diktats sont bien suivis.

Aujourd’hui, le préposé à l’exécution des basses œuvres est le ministre Macron. Parfait petit collabo dans un gouvernement du même nom, il obéit en élève docile à ses maîtres. Tellement bien d’ailleurs que pour éviter toute déconvenue de la part d’un parlement français qui n’est pas tout à fait mort le Premier ministre utilise le 49-3 pour faire passer des mesures que le peuple français refuse car elles sont incompatibles avec son histoire et son socle anthropologique.

Si, au lieu d’un gouvernement estampillé « de gauche », c’était un gouvernement estampillé « de droite » qui était chargé d’imposer ces politiques économiques d’extrême droite décidées à Bruxelles, le scénario serait presque le même. Presque parce qu’avec un gouvernement estampillé « de droite », les associations et syndicats de gauche seraient dans l’opposition et ralentiraient peut-être un peu ce rouleau compresseur ultralibéral. Sans réelle opposition institutionnelle, un gouvernement estampillé « de gauche » peut pousser le bouchon ultralibéral plus vite et plus loin.

Le programme du Conseil National de la Résistance de 1944 intitulé « Les jours heureux » qui avait si bien fonctionné dans notre pays parce qu’il était en phase avec la nature profonde du peuple français est méthodiquement détruit, pan après pan, pour faire place à un modèle économique anglo-saxon, inégalitaire.
Il est grand temps que le peuple français identifie la réalité des causes des politiques économiques qui le détruisent.

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TFUE – Article 121
(ex-article 99 TCE)

1. Les États membres considèrent leurs politiques économiques comme une question d’intérêt commun et les coordonnent au sein du Conseil, conformément à l’article 120.

2. Le Conseil, sur recommandation de la Commission, élabore un projet pour les grandes orientations des politiques économiques des États membres et de l’Union et en fait rapport au Conseil européen.

Le Conseil européen, sur la base du rapport du Conseil, débat d’une conclusion sur les grandes orientations des politiques économiques des États membres et de l’Union.

Sur la base de cette conclusion, le Conseil adopte une recommandation fixant ces grandes orientations. Le Conseil informe le Parlement européen de sa recommandation.

3. Afin d’assurer une coordination plus étroite des politiques économiques et une convergence soutenue des performances économiques des États membres, le Conseil, sur la base de rapports présentés par la Commission, surveille l’évolution économique dans chacun des États membres et dans l’Union, ainsi que la conformité des politiques économiques avec les grandes orientations visées au paragraphe 2, et procède régulièrement à une évaluation d’ensemble.

Pour les besoins de cette surveillance multilatérale, les États membres transmettent à la Commission des informations sur les mesures importantes qu’ils ont prises dans le domaine de leur politique économique et toute autre information qu’ils jugent nécessaire.

4. Lorsqu’il est constaté, dans le cadre de la procédure visée au paragraphe 3, que les politiques économiques d’un État membre ne sont pas conformes aux grandes orientations visées au paragraphe 2 ou qu’elles risquent de compromettre le bon fonctionnement de l’Union économique et monétaire, la Commission peut adresser un avertissement à l’État membre concerné. Le Conseil, sur recommandation de la Commission, peut adresser les recommandations nécessaires à l’État membre concerné. Le Conseil, sur proposition de la Commission, peut décider de rendre publiques ses recommandations.

Dans le cadre du présent paragraphe, le Conseil statue sans tenir compte du vote du membre du Conseil représentant l’État membre concerné.

La majorité qualifiée des autres membres du Conseil se définit conformément à l’article 238, paragraphe 3, point a).

5. Le président du Conseil et la Commission font rapport au Parlement européen sur les résultats de la surveillance multilatérale. Le président du Conseil peut être invité à se présenter devant la commission compétente du Parlement européen si le Conseil a rendu publiques ses recommandations.

6. Le Parlement européen et le Conseil, statuant par voie de règlements conformément à la procédure législative ordinaire, peuvent arrêter les modalités de la procédure de surveillance